LES DEBUTS DE JIMMY GUIEU EN UFOLOGIE

Durant son enfance, le jeune Henri-René Guieu, son vrai nom à l’état-civil, va se passionner pour des disciplines comme l’alchimie (guidé par un jeune homme plus âgé du nom de Guy Eymard) ; ce qui l’amènera aux sciences, ainsi qu’aux doctrines ésotériques comme La doctrine secrète (de Héléna P. Blavatsky, fondatrice de la Théosophie).

1er tome de La doctrine secrète, d’Helena Petrovna Blavatsky.

Aussi, lorsque quelque chose d’intrigant dans le ciel est signalé aux États-Unis, le lendemain ou surlendemain de l’observation de Kenneth Arnold, le jeune Henri-René va s’y intéresser. Voici ce qu’il raconte de sa découverte du phénomène, alors baptisé « soucoupe volante[1] » :

L’industriel américain Kenneth Arnold désignant une représentation de l’un des engins observés lors de son observation du 24 juin 1947.

« Le 25 ou 26 juin 1947, les journaux français (pour moi, sans doute La France qui deviendra Le Méridional – La France) publièrent sur deux colonnes de 30 à 50 lignes chacune, l’observation faite aux States par Kenneth Arnold le 24 juin 1947 : neuf objets brillants évoluant en vol ondulatoire à la vitesse estimée de 2000 à 2500 km/h, ce qui amena à raisonner ainsi :

Si cet homme a dit vrai, demain, en tout cas prochainement, d’autres témoins signaleront et décriront fatalement le même phénomène baptisé « SV ». Si tel est bien le cas et dans la mesure où ces « soucoupes » accomplissent des prouesses inconnues de notre technologie, ce sera là pour moi la preuve évidente que des vaisseaux extraterrestres commencent à explorer d’autres planètes (je ne savais pas encore que toutes les traditions de tous les peuples de la terre faisaient référence à des « Visiteurs », « Anges » et autres « Célestes » qui, jadis, contèrent fleurette (de très près !) à nos arrière arrière grand-mères !). Cette analyse aussi sommaire que pertinente, découlant de l’entrée en scène des SV, me permit en 1954 d’intituler mon premier documentaire Les soucoupes volantes viennent d’un autre monde et, deux ans plus tard, de récidiver avec Black-out sur les soucoupes volantes. Cette « clairvoyance » de la première heure mit en fureur la gent astronomique, les astronomes étant alors les premiers ennemis mortels des « soucoupistes » (le mot ufologue n’existait pas encore) » […].

Intéressé par le phénomène, le jeune Henri-René, va changer de prénom pour celui de Jimmy, son nom de plume, lorsque paraitra son premier roman : Le pionnier de l’atome, et il va s’impliquer davantage sur ce sujet.

Le pionnier de l’atome, premier roman du tout jeune Jimmy Guieu (il a 25 ans lors de sa parution).

Voici ce qu’il raconte ensuite concernant son implication au sujet de la Commission Internationale d’Enquête Ouranos :

« En automne 1951, ayant signé chez Fleuve Noir mon premier contrat (pour Le pionnier de l’atome, à paraitre le 5 janvier 1952), je me rendis au bureau de Georges H. Gallet, chroniqueur scientifique du Provençal installé à Paris. Gallet me reçu aimablement dans son bureau où il me présenta un illustre inconnu venu s’entretenir avec lui : Marc Thirouin, pionnier européen de ce que nous appelons aujourd’hui l’ufologie. Si mes souvenirs sont bons, Marc venait de publier le premier numéro de la première revue « soucoupique » en Europe : Ouranos, bilingue français-anglais (le co-directeur anglais était Eric Biddle, partageant avec Marc Thirouin la qualité de pionnier européen dans ce domaine). Marc et moi devînmes les meilleurs amis du monde. Homme admirable, avocat sans cause, de santé précaire, pauvre comme Job, Marc Thirouin consacra son existence à l’étude des SV et fonda la première Commission d’Enquêtes Scientifiques Ouranos, hébergée pour ses réunions mensuelles dans le bureau du directeur de l’école Pascal, Bd Victor. Faisaient partie des « pionniers », fidèles à ces réunions, Aimé Michel, René Fouéré (qui lâcherait Ouranos pour créer sa propre association : le GEPA (ne pas confondre avec GEPAN !), Charles Garreau (mort l’an dernier), le lieutenant Jean Plantier (aujourd’hui lieutenant-colonel à la retraite et viticulteur d’un excellent cru bordelais). »

Le décor est ainsi planté, avec plein de « bonnes fées » présidant aux débuts de l’ufologie.

Jean Plantier, pilote à l’époque, avant de devenir lieutenant-colonel, qui théorisa le mode de propulsion des « soucoupes volantes » par un procédé antigravitationnel. Il rédigea d’abord son modèle dans la revue de l’Armée de l’air (Forces Aériennes Françaises, septembre 1953), avant d’en faire un livre : La propulsion des soucoupes volantes par action directe sur l’atome.

Et Jimmy Guieu de poursuivre :

« Un autre grand pionnier fut le Dr Marcel Pagès, de Perpignan, pionnier de surcroit en matière de recherches sur l’antigravitation. »

Dans la suite du texte, Jimmy décrit les péripéties rencontrées par ce chercheur qui voulut poursuivre ses recherches dans ce domaine (l’antigravitation) mais qui ne rencontra aucun intérêt en France (Marcel Pagès refusa tout de même la demande des Soviétiques, ainsi que celle des Américains, mais pas pour les mêmes raisons !). De ces péripéties et concernant le sujet de l’antigravitation, Jimmy, l’écrivain, en fera, plus tard, le thème de l’un de ses meilleurs romans d’anticipation : La Force sans Visage (1958). La rencontre entre Marcel Pagès et Jimmy Guieu est visible sur une vidéo de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel), datée de la même année (La soucoupe antigravité du Dr Pagès).

Plus loin dans ce texte, Jimmy Guieu raconte comment il fut amené à rencontrer de nombreux gendarmes dans le cadre de ses enquêtes et avec qui les relations se passèrent bien aux tout débuts et il signale que les rapports avec l’Armée, bien que rares, étaient aussi relativement courtois. Il poursuit en parlant du général Chassin :

« J’ai eu la chance insigne d’être cordialement reçu à Versailles, caserne des Petites Ecuries, siège de la D.A.T (Défense Aérienne du Territoire) par son chef, le général Lionel Chassin qui m’honora ensuite de son amitié. C’est Henri Salvador qui, gentiment, me conduisit à Versailles pour y rencontrer cet officier supérieur qui eut le courage de défendre la thèse extraterrestre à propos des SV et de leurs occupants, qu’il appelait plaisamment : « Escadrille de Surveillance des Mondes Attardés ». Grace au général Chassin, Marc Thirouin et moi, quelques semaines plus tard, eurent la chance d’être reçus par la SEMOC (Section d’Etude des Mystérieux Objets Célestes) […] Cette entrevue à la SEMOC en compagnie du général Chassin est relatée au chapitre VII dans Black-out sur les soucoupes volantes. Ce « privilège » fit des jaloux et je ne me souviens plus si c’est avant ou après la rencontre avec le général Chassin que des zizanies survinrent peu à peu dans le monde ufologique (automne 1954 à peu près), ce « monde » tournant, en France, autour d’Ouranos. Puis, il y eut des départs, René Fouéré, par exemple, créa le GEPA, d’autres créèrent d’autres choses et certains plongèrent, exit. Les divisions allaient s’accentuer, frappant de chagrin Marc Thirouin qui, au début, avait pensé pouvoir créer une « fédération » des groupes existants, ce qui ne fut pas possible, chaque groupe s’estimant supérieur aux autres et entendant bien devenir le leader, ambition que Marc n’avait pas puisqu’il visait simplement à l’union car, dans sa grande lucidité, il craignait que des obstacles et des chausse-trappes s’ouvrent bientôt sous les pas des ufologues, les autorités s’efforçant de les discréditer… »

Comme le décrit Jimmy sous sa plume, avec ses mots et sa vision des choses, les divisions vont vite se faire sentir au sein des mouvements ufologiques, alors que beaucoup travaillaient ensemble au début, notamment au sein d’Ouranos. Jalousie ? Ambition ? Curieusement, dans ce texte, Jimmy ne fait pas état de désaccord sur la façon d’entrevoir le phénomène OVNI ou de l’étudier. Si la jalousie et l’ambition entre les différents enquêteurs ufologues des débuts sont les seules raisons, alors la nature humaine semble avoir repris le dessus face à un sujet qui devrait, a priori, rassembler les humains…

Plus loin, Jimmy revient sur la parution de ses deux premiers ouvrages documentaires, en nous éclairant de quelques informations peu connues.

« Mes deux livres SV Fleuve Noir ? Je travaillais avec cet éditeur depuis 1952 et quand j’ai parlé de mon intention d’écrire un documentaire sur le sujet, Mr Armand de Caro, le directeur du Fleuve Noir, a d’emblée souscrit à ce projet, avec une réserve : il souhaitait un titre interrogatif : « Les SV viennent-elles d’un autre monde ? » J’ai refusé, arguant qu’un titre affirmatif (Les SV viennent d’un autre monde) aurait plus d’impact et serait tôt ou tard confirmé par les faits. Ce premier titre connut un grand succès : 27000 exemplaires vendus en moins d’un mois (paru le 2è trimestre 1954). Tirage similaire pour le numéro 2 qui, lui aussi, obtint un très grand succès (la préface de J. Cocteau m’a beaucoup aidé) … »

Son premier ouvrage documentaire sera aussi traduit en anglais, pour l’Angleterre, et Jimmy indique qu’il a bien marché aussi en langue anglaise. Mais il eut connaissance d’une impression en Australie et Nouvelle-Zélande, non couverte par son contrat, mais trop tard pour agir…

« Je n’ai pas écrit de 3è ou 4è tome SV, malgré les demandes de Mr de Caro, voici pourquoi : à cette époque, les cycles de réapparitions ou vagues d’OVNI répondaient à une périodicité de 24 ou 26 mois, confirmée par les faits. 1954 et 1956 ayant été des années « à vagues » importantes. Intuitivement, je sentais que cette vague ne se vérifierait pas de façon régulière et j’ai donc remis à plus tard (beaucoup plus tard !) la publication d’ouvrages documentaires sur le sujet, d’autant que cela ne m’empêchait pas de glisser des informations « authentiques » avec notes infra-paginales dans mes romans SF. Et puis, à l’époque je faisais énormément de conférences/diaporamas. »

Jimmy ne se contentera pas d’enquêter et de porter le résultat de ses enquêtes par écrit, que ce soit dans ses ouvrages documentaires, la revue Ouranos ou bien dans ses romans. En effet, dès 1953, Jimmy va occuper une courte chronique (une dizaine de minutes) à l’antenne de Radio Monte-Carlo (RMC). Sa rubrique « As-tu vu les soucoupes ? » fera partie intégrante de l’émission Zig-Zag, produite et animée par Fernand Pelatan. Cette rubrique lui permettra de parler des observations, mais aussi de recevoir des témoignages des auditeurs ; tout comme d’autres émissions par la suite.

Jimmy Guieu, au début des années 1950, lors de sa chronique sur Radio Monte-Carlo (future RMC).

« Il y avait aussi eu mes émissions « As-tu vu les soucoupes ? » sur RMC (1953-1955), puis mes émissions sur la RTF, l’ORTF, et FR3 Marseille durant 18 ans (fin : début 1973) ; pendant ces 18 ans, j’ai aussi participé aux émissions TV de Jean Nohain/Paris « Le Grand Club », pour les jeunes. Là, j’ai retrouvé mon ami Sim, passionné d’OVNI. »


[1] Dans un texte baptisé « L’aube de l’ufologie », écrit en 1996 par Jimmy Guieu en réponse à des questions de Richard D. Nolane, auteur et ami de l’ufologue. Il reçut ce texte en septembre 1996 et décida de le publier dans une anthologie autour de Jimmy (Dimension Jimmy Guieu, chez Rivière Blanche), en 2011.

Une anthologie de nouvelles mettant en scène les personnages inventés par Jimmy Guieu et comprenant une interview de Jimmy Guieu. A commander sur le site de Rivière Blanche.

Stéphane Royer

Lien : https://www.riviereblanche.com/fusee-f13-dimension-jimmy-guieu.html

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3 réponses

  1. Merci vraiment beaucoup pour cette chronique qui raconte les débuts d’une ufologie unie, ce qui n’est plus forcément le cas aujourd’hui. Si nous-mêmes sommes poursuivis pas nos égos, comment arriver à communiquer avec ces étrangers, du moins avec la part qui se veut bienveillante et existe forcément? J’ai créé il y a peu une page Face book intitulée les Ovnis Papers (https://www.facebook.com/ovnispapers). Le titre lui-même montre le peu de décontraction que nous entretenons avec certains militaires et les services secrets, et je pense qu’entre le moment où Jimmy Guieu écrit et aujourd’hui une faille s’est élargie entre les valeurs des uns et des autres : le secret est devenu antinomique de la recherche de certaines réalités, et n’hésite plus à aller loin, d’où, notamment, toute cette floraison de livres sur la désinformation. Ensuite, le contexte policier de la Cinquième République, les lois sécuritaires, les visites comme à Mediapart, les menaces directes sur les journalistes d’investigation (comme certaines convocations au siège de la DGSI) etc., etc., montrent je pense que des enjeux industriels, de souveraineté, se sont de plus en plus animés autour de la question Ovni. je passe bien sûr sur le fait que ces lois ne concernent nullement les Ovnis, et que les journalistes convoqués ne s’y intéressent nullement non plus : mais s’ils le faisaient, tout est déjà bien en place. Je ne serai cependant pas étonné que des débats animent désormais les plus hautes instances de l’Etat, et que mes propos peuvent être partagés de ci et de là, mais plus avec cette transparence joyeuse, animée et amicale des temps de Jimmy, si cher à nous tous. Bien cordialement et mille mercis pour cette chronique, Pierre-Gilles Bellin

  2. Merci beaucoup pour votre appréciation de ces premiers temps de l’ufologie, vue par Jimmy Guieu.

    Je connais votre pages des OVNI Papers et des difficultés que vous avez rencontrées. Hélas!, la liberté de l’information, l’omniprésence de la désinformation sur ce sujet, ainsi que la notion de propriété intellectuelle sont des freins à une diffusion de l’information sur ce sujet…

    L’auteur.

  3. Bonsoir,
    Une petite question, les extraits d’interview sont ils extraits de la Dimension JG publié chez Rivière Blanche ?
    En particulier le passage sur ses ouvrages au Fleuve Noir ? Dans ce cas, je vais me le procurer.
    En vous remerciant,
    Michel D.

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